C’était le premier jour du reste de ma vie. Un jour pas comme les autres. Contrairement à tous les autres, le 22 septembre 2015 restera à jamais gravé dans ma mémoire. Je viens de passer un examen d’entrée à l’Université de Lille 3. Du jour au lendemain, je suis transportée d’un monde à un autre. La Grand Place. Tout le monde parle une langue étrangère. A l’aube, c’est moi l’étrangère pas eux.
J’ai 42 ans, je suis Britannique, je suis en train de faire un changement de vie. J’ai déménagé de l’environnement verdoyant du bois d’Highgate de Londres et je suis passée à l’architecture flamande en brique rouge de Lille.
Un mois plus tard environ, je me trouve au même endroit par hasard ou par la force du destin, je ne sais pas. Ce samedi 15 novembre 2015, encore avec le même force, j’ai le sentiment de vivre le premier jour du reste de ma vie.
La dernière fois que j’étais là, les gens faisaient les magasins et les terrasses étaient pleines de monde. Mais cette fois une sensation m’a troublée. Un silence. Pas d’âme qui vive. Je suis restée perplexe ne sachant que faire. Que s’était-il passé ? Je me souviens d’avoir été bouleversée, quelqu’un me manquait.
Je pensais qu’il s’agissait d’une bien curieuse coïncidence que les gens apparaissaient muets et silencieux, si chaleureux et souriants un mois auparavant. C’était le lendemain des attentats au Bataclan à Paris.
Tandis que je m’asseyais, je réfléchissais. J’ai demandé à une jeune fille qui était assise à côté de moi où il était. Elle m’a répondu : je pense qu’il est mort, plutôt assassiné. A ce moment-là j’ai décidé de vérifier s’il était vraiment mort, je l’ai cherché dans chaque petit recoin. Je devais mener mon enquête. Quelle était la cause de sa mort ? Où était-il passé ? Il faut d’autres informations et indices. Je dois étudier ou je dois chercher ?
Tout à coup un faisceau de lumière se mit à briller sur une plaque que je n’avais pas remarquée auparavant. J’étais assise au pied de La Colonne de la Déesse, un monument commémoratif pour les citoyens qui ont subi courageusement et calmement les bombardements pendant plusieurs mois ´Lille a bien mérité à la patrie reconnaissance du siège de Lille (Décret du 12 octobre 1792). Et puis ce n’est pas n’importe quelle Grand Place, c’est la Place du General-de-Gaulle : un hommage au libérateur de la France, dirigeant de la Résistance française pendant la deuxième guerre mondiale. Enfin l’Université où je me suis inscrite est elle aussi nommée l’Université Charles de Gaulle, enfant de la ville de Lille.
C’est manifestement le point de départ. C’est à ce même moment que j’ai commencé à lire, à m’engager, à baigner dans la culture française et lilloise. J’aurais dû le faire avant. Je voudrais que vous compreniez de quelle manière, très comparable à celle d’un détective, cette curiosité et ce désir viennent de me frapper. Pendant que j’y pensais je portais ma pèlerine à la Sherlock Holmes.
Au fur et à mesure que je cherche, naturellement, je découvre. Même si parfois c’est très difficile. Dans un premier temps, j’étais dans la foule le 29 novembre 2015 à la Marche mondiale pour le climat à Lille. J’avais l’impression qu’il était là, et je l’ai vu rapidement.
Dans un deuxième temps, j’ai eu la chance d’être invitée à une soirée pour les élections régionales du 6 décembre 2015. Le Nord – Pas de Calais a voté à 40.64% pour Marine Le Pen. Encore une fois, ce silence mortel comme un nuage gris descendait. La candidate protectionniste, contre l’Union Européenne qui m’a donné le droit de m’installer en France, sans visa, sans autorisation, mais automatiquement. L’Union Européenne est le porte-drapeau de la cohésion communautaire d’Erasme. Une fois de plus j’ai senti ce manque que j’ai eu. Par contre, au deuxième tour Xavier Bertrand est arrivé en tête avec 57,77% grâce à une plus grande mobilisation. Ma confiance a grandi, peut-être qu’il n’est pas mort après tout.
Et plus particulièrement les 26 février, 9 mars, 31 mars, 28 avril, 17 mai et 26 mai 2016 pour ne citer que quelques-unes des manifestations auxquelles j’ai participé à Lille contre la Loi Travail et contre le 49-3, il était là, indiscutablement. Même le journal américain Le Washington Post a écrit le 16 avril 2017 l’avoir trouvé et bien vivant ici à Lille. Ils ont écrit sur le meeting du 12 avril 2017 de Jean-Luc Mélenchon, auquel j’y ai été parmi les lillois qui le supportaient. Je n’aurais jamais dû croire qu’il était mort.
Je termine sur le 19 avril 2017 où j’ai assisté au meeting de Natalie Arthaud. Son but était de « faire entendre le camp des travailleurs, tous ceux qui contribuent à faire fonctionner la société et produisent toutes les richesses …. doivent passer avant les dividendes des actionnaires et les revenues des PDG« . Le meeting s’est clôturé avec l’hymne ‘L’Internationale’ composée par Pierre Degeyter un ouvrier lillois d’une usine de Fives. Elle a été chanté pour la première fois à Lille le 23 juillet 1888 dans le café ‘A la Liberté’ dans l’ancien quartier de Saint-Sauveur ; et maintenant à travers le monde entier par des millions de travailleurs (Eugène Pottier révolutionnaire français a écrit les paroles en 1871). Cela s’est fait pendant des dizaines d’années.
Ça alors! Comme une ampoule allumée, cette chose qui me manquait, cet étranger présumé mort, loin d’être mort, il était bien vivant : L’esprit révolutionnaire ! Ses idées ont survécu des siècles durant, c’est la raison pour laquelle on a choisi la France. La voilà! Je suis revenue sur l’inquiétude, j’ai mal compris le silence lillois. C’était une façon de garder le sang froid, d’attendre son heure, le bon moment. J’en étais sûre.
Comme Marcel Proust dans son autobiographie, ce goût de Madeleine qu’il a décrit montre un manque, qu’on cherche et qu’on a du mal à trouver, mais là dans la passion, main droite en l’air, gonflement de l’âme avec émotion ‘Debout, les damnés de la terre… Le monde va changer de base… C’est la lutte finale ; Groupons nous et demain l’internationale sera le genre humain. .. ‘ Dans ces paroles si émouvantes, je l’ai trouvé claire et nette. L’esprit révolutionnaire monte pendant la grève nationale française de 1936. J’avais entendu dire que là maintenant c’est le bon moment.
Ce que je sais, c’est qu’en tant que Britannique et Templier (de Middle Temple) je porterai ma montre d’armure du temple des chevaliers (au sens figuré), et je vous en supplie mes chers camarades européens, mes chers compagnons d’armes, avec le cri révolutionnaire de ralliement de William Shakespeare « Alors, une fois encore, une fois encore, à la brèche mes chers amis pour ce qui devrait être la bataille finale …. »
Melissa Mcculloch James